Lorsque M. Karim Younes, alors
ministre de la Formation professionnelle, avait mis en place la mécanique du
baccalauréat professionnel à partir de 2000, le dossier avait été appuyé
ensuite, et ce pendant plus de deux ans, par des réflexions, des études, des
séminaires et une coopération technique intense avec des organismes étrangers
de renom.
C’était la prémisse d’une
véritable réforme en profondeur du système de formation professionnelle en
Algérie. Toutes les institutions du secteur (INFP, IFP, DFP, CERPEQ, les cadres
du secteur…) y avaient participé d’arrache- pied, avec professionnalisme et
sans la moindre obligeance partisane ou autre, avec la mobilisation du fonds
d’aide de l’UE (60 millions d’euros). Des stages de formation à l’étranger
avaient été organisés pour un certain nombre d’agents d’encadrement et de
formateurs. L’organisation de ce programme avait nécessité, bien entendu, la
mobilisation d’une extraordinaire ressource humaine, mais aussi financière
(Trésor public). Le lancement du projet devait se faire par étapes à travers
certaines institutions pilotes et pour un certain nombre de métiers choisis, en
fonction d’arguments techniques et pédagogiques déterminés, avant de s’étendre
au fur et à mesure des résultats acquis sur le terrain et des correctifs
suscités par les groupes de spécialistes et les organes chargés du suivi de ce
grand chantier, à l’ensemble du réseau de la formation professionnelle. La
maîtrise de l’œuvre avait été confiée à l’époque au Dr Boualem Tatah,
secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle, aujourd’hui
mis aux oubliettes. Le 17 juin 2002, le Pr Abdelhamid Abad succède à M. Karim
Younes à la tête du ministère de la Formation et de l’enseignement
professionnels, et poursuit la politique entamée par son prédécesseur. La
grande nouveauté de la rentée de la formation de septembre 2002 sera le
lancement du cursus de l’enseignement professionnel ouvrant la voie au
baccalauréat de l’enseignement professionnel. Le professeur Abad annonce en
avril 2003 : «Le bac professionnel s’inscrit dans un processus mondial.
L’enseignement professionnel que nous défendons est celui qui privilégie la
formation par rapport à l’entreprise.» 800 stagiaires constitueront les
premières promotions de candidats à cette nouvelle formation, qui allait se
dérouler à travers 6 INSFP. Les INSFP devant être reconvertis plus tard en
lycées professionnels. Le 12 septembre 2004, le nouveau ministre, M. El Hadi
Khaldi, supprime le baccalauréat professionnel. Il se permet même d’annoncer ce
jour au forum d ’El Moudjahid : «Cette décision est intervenue car, sur le plan
pédagogique, il n’est pas question de mener des centaines d’élèves dans cette
aventure…» Cette déclaration lourde de sens va signifier l’inutilité du nouveau
baccalauréat et reléguer le système de la formation professionnelle à son point
de départ. L’incurie s’installe depuis, comme règle, et l’enseignement navigue
à vue. Une mérycologie absurde sert, depuis, d’apologue au système et ceux qui
l’encadrent.
Pourquoi le bac professionnel
?
Les responsables de l’époque
avaient remarqué, à juste titre, que l’enseignement professionnel avait déjà
été appliqué dans le monde développé depuis plus de vingt ans. Et c’est par
acquit de conscience de l’importance du phénomène que ces pays ont adopté,
maintenu et développé cette nouvelle pédagogie d’enseignement. Pas par calcul
politicien, mais par conviction critique, à la cadence de la recherche dans le
domaine de l’éducation. L’enseignement professionnel devait donc se détacher
progressivement de la formation professionnelle traditionnelle, considérée,
aujourd’hui encore, à tort ou à raison, comme étant le réceptacle des exclus du
système éducatif. La formation professionnelle, jusqu’à l’avènement de
l’enseignement professionnel, était restée transie, dans la conscience
populaire, comme étant un appendice du système éducatif, une aberration qui l’a
rendu in reatu. Le baccalauréat professionnel devait permettre la création de
passerelles vers l’enseignement général, notamment dans des disciplines
techniques ciblées, et hisser les niveaux de qualification professionnelle au
rang des performances et des normes universelles. Les initiateurs de ce projet
voyaient donc dans ce précepte une véritable révolution dans le système
éducatif, d’une manière générale. Une révolution qui allait engendrer in petto
un incontestable cadre de promotion sociale pour l’ensemble des sortants du
système éducatif. Des études indiscutables ont, depuis fort longtemps
d'ailleurs, montré que l’enseignement professionnel devait être totalement
identifié au système de formation initial (éducation nationale), avec
l’existence d’un afflux de passerelles entre ces filières et les approches plus
prestigieuses de l’enseignement général. D’où la nécessité de la création du
baccalauréat et du brevet professionnels (cas de la France). Tout cela dans une
logique «adéquationniste » (adéquation formation- emploi), mais en rupture avec
le cursus scolaire initial. Le dispositif allemand, par contre, s’inspire d’une
logique de correction des filières professionnelles, dans le prolongement et la
fusion avec les prérequis scolaires. L’expérience algérienne, à cette époque, a
su intégrer les deux méthodes, et l’adapter au contexte socio-économique local.
En aval s’amorçait déjà une intention encore plus intéressante et plus louable
: la création d’une université du travail. Une institution qui allait parfaire
la refondation du système, et concéder aux travailleurs en activité le droit du
bénéficie de parcours professionnels innovants, qualifiants et diplômant.
La suppression du baccalauréat
professionnel
La décision de suppression du
baccalauréat professionnel a été dictée par une logique politicienne,
contrairement aux arguments avancés, à l’époque par le ministre, pour justifier
cet ukase absurde. Mais les observateurs avertis avaient vite compris que le
nouveau locataire du ministère cherchait d’abord à disqualifier M. Karim
Younes, en traitant le nouveau dispositif de politique hasardeuse. Il fallait
aussi faire table rase de tout ce qui a été entrepris par ce dernier, devenu
persona non grata, et imprimer au secteur une vision nouvelle. La suppression
du baccalauréat a largement entamé le système de la formation professionnelle,
déjà discrédité par un lourd passif qui l’a confiné au rôle d’exutoire, et de
terrible pis-aller, pour les jeunes exclus du système éducatif.
K. H.
C'est un grand Monsieur!je l'ai connu à l'époque où il était Président de l'APN.C'est un homme à principe.
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