Sunday, 12 August 2012

Algérie:Le Bac pro victime de la vengeance politique


Lorsque M. Karim Younes, alors ministre de la Formation professionnelle, avait mis en place la mécanique du baccalauréat professionnel à partir de 2000, le dossier avait été appuyé ensuite, et ce pendant plus de deux ans, par des réflexions, des études, des séminaires et une coopération technique intense avec des organismes étrangers de renom.
C’était la prémisse d’une véritable réforme en profondeur du système de formation professionnelle en Algérie. Toutes les institutions du secteur (INFP, IFP, DFP, CERPEQ, les cadres du secteur…) y avaient participé d’arrache- pied, avec professionnalisme et sans la moindre obligeance partisane ou autre, avec la mobilisation du fonds d’aide de l’UE (60 millions d’euros). Des stages de formation à l’étranger avaient été organisés pour un certain nombre d’agents d’encadrement et de formateurs. L’organisation de ce programme avait nécessité, bien entendu, la mobilisation d’une extraordinaire ressource humaine, mais aussi financière (Trésor public). Le lancement du projet devait se faire par étapes à travers certaines institutions pilotes et pour un certain nombre de métiers choisis, en fonction d’arguments techniques et pédagogiques déterminés, avant de s’étendre au fur et à mesure des résultats acquis sur le terrain et des correctifs suscités par les groupes de spécialistes et les organes chargés du suivi de ce grand chantier, à l’ensemble du réseau de la formation professionnelle. La maîtrise de l’œuvre avait été confiée à l’époque au Dr Boualem Tatah, secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle, aujourd’hui mis aux oubliettes. Le 17 juin 2002, le Pr Abdelhamid Abad succède à M. Karim Younes à la tête du ministère de la Formation et de l’enseignement professionnels, et poursuit la politique entamée par son prédécesseur. La grande nouveauté de la rentée de la formation de septembre 2002 sera le lancement du cursus de l’enseignement professionnel ouvrant la voie au baccalauréat de l’enseignement professionnel. Le professeur Abad annonce en avril 2003 : «Le bac professionnel s’inscrit dans un processus mondial. L’enseignement professionnel que nous défendons est celui qui privilégie la formation par rapport à l’entreprise.» 800 stagiaires constitueront les premières promotions de candidats à cette nouvelle formation, qui allait se dérouler à travers 6 INSFP. Les INSFP devant être reconvertis plus tard en lycées professionnels. Le 12 septembre 2004, le nouveau ministre, M. El Hadi Khaldi, supprime le baccalauréat professionnel. Il se permet même d’annoncer ce jour au forum d ’El Moudjahid : «Cette décision est intervenue car, sur le plan pédagogique, il n’est pas question de mener des centaines d’élèves dans cette aventure…» Cette déclaration lourde de sens va signifier l’inutilité du nouveau baccalauréat et reléguer le système de la formation professionnelle à son point de départ. L’incurie s’installe depuis, comme règle, et l’enseignement navigue à vue. Une mérycologie absurde sert, depuis, d’apologue au système et ceux qui l’encadrent.
Pourquoi le bac professionnel ?
Les responsables de l’époque avaient remarqué, à juste titre, que l’enseignement professionnel avait déjà été appliqué dans le monde développé depuis plus de vingt ans. Et c’est par acquit de conscience de l’importance du phénomène que ces pays ont adopté, maintenu et développé cette nouvelle pédagogie d’enseignement. Pas par calcul politicien, mais par conviction critique, à la cadence de la recherche dans le domaine de l’éducation. L’enseignement professionnel devait donc se détacher progressivement de la formation professionnelle traditionnelle, considérée, aujourd’hui encore, à tort ou à raison, comme étant le réceptacle des exclus du système éducatif. La formation professionnelle, jusqu’à l’avènement de l’enseignement professionnel, était restée transie, dans la conscience populaire, comme étant un appendice du système éducatif, une aberration qui l’a rendu in reatu. Le baccalauréat professionnel devait permettre la création de passerelles vers l’enseignement général, notamment dans des disciplines techniques ciblées, et hisser les niveaux de qualification professionnelle au rang des performances et des normes universelles. Les initiateurs de ce projet voyaient donc dans ce précepte une véritable révolution dans le système éducatif, d’une manière générale. Une révolution qui allait engendrer in petto un incontestable cadre de promotion sociale pour l’ensemble des sortants du système éducatif. Des études indiscutables ont, depuis fort longtemps d'ailleurs, montré que l’enseignement professionnel devait être totalement identifié au système de formation initial (éducation nationale), avec l’existence d’un afflux de passerelles entre ces filières et les approches plus prestigieuses de l’enseignement général. D’où la nécessité de la création du baccalauréat et du brevet professionnels (cas de la France). Tout cela dans une logique «adéquationniste » (adéquation formation- emploi), mais en rupture avec le cursus scolaire initial. Le dispositif allemand, par contre, s’inspire d’une logique de correction des filières professionnelles, dans le prolongement et la fusion avec les prérequis scolaires. L’expérience algérienne, à cette époque, a su intégrer les deux méthodes, et l’adapter au contexte socio-économique local. En aval s’amorçait déjà une intention encore plus intéressante et plus louable : la création d’une université du travail. Une institution qui allait parfaire la refondation du système, et concéder aux travailleurs en activité le droit du bénéficie de parcours professionnels innovants, qualifiants et diplômant.
La suppression du baccalauréat professionnel
La décision de suppression du baccalauréat professionnel a été dictée par une logique politicienne, contrairement aux arguments avancés, à l’époque par le ministre, pour justifier cet ukase absurde. Mais les observateurs avertis avaient vite compris que le nouveau locataire du ministère cherchait d’abord à disqualifier M. Karim Younes, en traitant le nouveau dispositif de politique hasardeuse. Il fallait aussi faire table rase de tout ce qui a été entrepris par ce dernier, devenu persona non grata, et imprimer au secteur une vision nouvelle. La suppression du baccalauréat a largement entamé le système de la formation professionnelle, déjà discrédité par un lourd passif qui l’a confiné au rôle d’exutoire, et de terrible pis-aller, pour les jeunes exclus du système éducatif.
K. H.
* Ingénieur GI-Consultant


1 comment:

  1. C'est un grand Monsieur!je l'ai connu à l'époque où il était Président de l'APN.C'est un homme à principe.

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